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Nouvelles d'Erik Vaucey... et autres gourmandises littéraires !
29 septembre 2015

Le nouvelliste de la semaine : Alain Emery

AE Le rafiot

Le nouvelliste de cette semaine est un auteur confirmé,
avec de nombreuses publications à son actif.
Comme ma rubrique lui a été recommandée par son éditeur,
j'ai fait fi de mon trac pour l'interviewer ;)

J'ai donc le plaisir de recevoir aujourd'hui
Alain Emery

 

EV : Bonjour Alain. Tout d’abord, qui es-tu ?

AE : Un type qui prend plaisir à bâtir des châteaux de cartes. C’est ce que sont mes histoires, au fond : de fragiles constructions. S’il est possible qu’à tout instant elles s’effondrent, il arrive aussi qu’elles tiennent debout.

EV : Depuis combien de temps écris-tu des nouvelles ?

AE : J’y suis venu tardivement, en 2002 (j’ai publié la première fois en 1989, des poèmes). Je cherchais depuis des années une distance qui me convienne. Je me suis lancé dans les concours avec ma première nouvelle, "Brave Bête", et j’ai décroché le Prix Lucie Delarue-Mardrus, aujourd’hui disparu. C’est à cette occasion que m’a remarqué celui qui allait devenir mon éditeur trois ans plus tard...

EV : Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire ta première nouvelle ?

AE : Le plaisir de marcher dans les traces d’auteurs que j’avais appréciés (je pense à Jean Vautrin, notamment) et l’espoir – ou l’ambition –, déjà, de tailler ma route, ma propre voie, originale, personnelle. Je m’y efforce encore aujourd’hui…

EV : Quelles qualités trouves-tu aux nouvelles par rapport aux autres formes littéraires ?

AE : La force (le venin est toujours plus fort quand il est pur). En quelques pages, une nouvelle peut, quand l’intrigue est ramassée et la langue grattée à l’os, arracher à celui qui la lit une fulgurante émotion. Ce n’est pas l’antichambre du roman – comme se plaisent encore à le répéter certains – mais un art à part entière. Celui, entre autres, de l’ellipse.

EV : As-tu un thème de prédilection ?

AE : Je suis ce que Giono appelait un amateur d’âmes. Ce qui m’intéresse, c’est l’humain. Ses failles, ses abîmes. Je me sers de l’écriture comme d’une torche. Je traverse les nuits inquiètes. Je fouille en nos ténèbres. Sous les ombres, au fond des failles, je cherche l’homme. Celui que je suis. Celui que nous sommes.

EV : Comment te vient habituellement l’inspiration ?

AE : En la matière, tout fait ventre. J’observe mes congénères, je les écoute. Parfois, c’est un lieu qui me parle. Parfois, de vieux clichés d’inconnus : je construis alors autour de ces personnages une histoire singulière, que leurs traits et leur posture m’inspirent. Il n’y a pas de règle. Le plaisir me guide. Je l’ai dit souvent : je ne m’explique pas l’écriture, j’en profite.

EV : Peux-tu nous en dire plus sur tes habitudes d’écriture ?

AE : J’écris tous les jours, à la main, dès que j’ai une minute à moi. Je pourrais travailler partout, au milieu d’une foule comme au fond d’une cellule de moine, mais s’il est un endroit où je suis à mon affaire, c’est à mon bureau (que j’appelle le rafiot : à bord, j’y suis seul maître). Sous ma lampe. Ce cône de lumière marque les frontières d’un territoire plus vaste qu’il n’y paraît, au cœur duquel, avec un peu d’encre, un stylo à ma main et des carnets à petits carreaux (toujours les mêmes), je tire les ficelles.

Mine de rien, ce refuge est de la taille d’un monde ; il s’y passe des choses dont personne n’a idée. Autour, la nuit peut être aussi épaisse qu’inquiétante, je ne crains rien : je suis ici le plus heureux du monde.

EV : As-tu une anecdote à raconter à nos lecteurs sur ta vie d’auteur ?

AE : Je devais avoir 15 ou 16 ans quand j’ai découvert (dans Actuel) les chroniques de Norman Mailer sur la boxe. Il y décrit notamment le combat au cours duquel un jeune cubain – poussé sur le ring pour servir de faire-valoir à un américain – trouve la mort. Il écrit avoir entendu, longtemps après ce combat, l’écho des coups sur le corps du jeune garçon, qu’il compare – je cite de mémoire – à « une bâche mouillée frappant le tronc d’un arbre mort ». J’avais l’impression de les entendre, moi aussi. J’ai compris ce jour-là qu’on pouvait transmettre, au-delà du temps et de l’espace, des sensations, des émotions, et j’ai commencé à penser que ce pouvoir d’évocation devait être un bonheur inouï. Et j’en ai eu confirmation des années plus tard, quand j’ai lu devant un public, pour la première fois, « Sortir du silence », une de mes nouvelles, et qu’à la toute fin, au moment où je relevais le museau, j’en ai surpris qui écrasaient une petite larme. C’est une sacrée acrobatie que de réussir à donner de la chair à du vent, à transmettre une émotion. Quand on y a goûté…

EV : C'est sans doute dans de telles prouesses que l'écriture devient un art !
Que conseillerais-tu à celui qui voudrait prendre la plume ?

AE : Commencer par lire, pour prendre la mesure de la montagne. Et puis écrire pour soi, pour son plaisir, sans chercher forcément à suivre les modes ou les conseils. Je crois que lorsque le plaisir d’écrire est sincère, le lecteur s’y retrouve.

EV : Et au lecteur de nouvelle ?

AE : D’être curieux. De sortir, dès que l’occasion se présente, des sentiers battus et d’aller fouiller du côté des éditeurs moins en vue et des revues qui font leur travail avec passion et ne bénéficient pas de la couverture médiatique qu’ils seraient en droit d’espérer.

EV : S’il y avait un livre que tu as lu et apprécié et dont tu aurais aimé être l’auteur, ce serait lequel ?

AE : Pour les romans, "Les âmes fortes" de Giono ou "Absalon, Absalon", de Faulkner ou encore "L’amour au temps du choléra", de Garcia Marquez. Pour les nouvelles, sans la moindre hésitation, "Baby Boom", de Jean Vautrin. C’est ce recueil qui m’a donné envie d’en écrire.

EV : Aurais-tu un coup de coeur ou un coup de gueule à ajouter ?

AE : Coup de cœur pour toutes ces nouvelles voix, jeunes ou moins jeunes, qui émergent peu à peu, grâce au travail acharné des revues et de certaines maisons d’édition. Coup de gueule pour les grands médias littéraires qui ne font, la plupart du temps, que servir la soupe.

AE couvertures2

EV : As-tu déjà été publié ?

AE : Je suis un heureux veinard et la liste est un peu longue... Je suis l’auteur :

- de huit recueils de nouvelles dont

  • "D’aussi vastes déserts", aux éditions de la Tour d’Oysel, finaliste du prix Boccace 2014
  • "La racine du fleuve", aux éditions Paul & Mike

- de six polars aux éditions Astoure et Ouest&Compagnie

- d’autres ouvrages

  • "Cette seule voix", livre d’art composé avec Anne Lurois, aux Editions Jacques Flament,

- de chroniques  

  • "À l’heure du sacre", consacrée à Faulkner et Fortune de mer, à propos de la Route du Rhum, aux Editions Jacques Flament,

- ainsi qu’un livret de souvenirs,

  • "Petits morceaux du paradis" aux éditions Ouest et Compagnie.

- Je publie depuis peu en numérique

  • "Croire aux anges", aux éditions Paul & Mike, 
  • "La lèpre sur les anges", chez Ska éditeur

- J’ai publié en revue

  • "Amigos" dans "le Matricule des Anges" n°70,
  • "Hollywood Bull Dog" dans "Archipel" n°28
  • "Les ficelles" dans Brèves n°101
  • "Quatre joueurs attablés" dans Harfang n°44
  • "Vers le sud" dans Hopala n°25

- participé à diverses anthologies

  • "Chez moi" dans "En Bretagne, ici et là", éditions Keltia Graphic
  • "La foi du meurtrier dans Remix, Editions Hachette

- et signé des fictions pour Radio France.

J’anime aussi des rencontres en bibliothèque autour de Giono, Faulkner, Cendrars, London...

(Une bibliographie plus complète est disponible sur Wikipedia)

EV : Peut-on trouver certains de tes textes sur le web ?

AE aussi

AE : Oui, quelques-uns sont en ligne.

EV : Où peut-on te retrouver ?

AE : Par mail à l'adresse : a.emery35@laposte.net ou sur mon compte FB.


EV : Merci Alain d'avoir accepté de répondre à mes questions. Reviens quand tu veux :)

 


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  • Les nouvelles d'Erik Vaucey explorent divers champs de l'imaginaire, en particulier ceux de la science-fiction. Plus largement, il dédie ce blog au monde des nouvelles et de leurs auteurs, genre littéraire qui mérite d'être mieux connu et reconnu :)
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