Le nouvelliste de la semaine : Philippe Grabt

Le nouvelliste de cette semaine a de nombreuses cordes à son arc,
ainsi qu'en témoigne l'oeuvre ci-dessus
réalisée expressément et en exclusivité pour cet interview.

J'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui Philippe Grabt

EV : Bonjour Philippe. Tout d’abord, qui es-tu ?

PG : Bonjour Erik !

J’ai toujours plaisir à lire tes interviews et je vais tenter de me montrer sous mon meilleur jour ;)

En tant qu’auteur, je ne suis personne. L’auteur n’a pas à se mettre en avant, il n’est que le support de l’écrit. De plus, j’ai horreur de parler de moi, alors « personne » ça me va bien ;) Sinon, en réalité, je corresponds assez bien au profil type de l’auteur (voir les stats officielles sur le sujet) et je suis quelqu’un qui a envie d’écrire des histoires simples mâtinées de poésie. Pour l’instant, je débute et ne suis qu’un apprenti qui a une furieuse envie de se hisser chez les grands.

EV : Débutant ? A quel point ?

PG : En fait, j’écris –tout court- depuis un an. J’ai toujours eu horreur d’écrire, c’est dire ! J’étais un grand lecteur et je ne trouvais plus de livres qui me rendaient heureux comme lors des premières découvertes. C’est là que j’ai décidé d’écrire pour lire ce que j’aurais aimé trouver.

EV : "On est jamais si bien servi que par soi-même" comme indique le dicton attribué à Charles-Guillaume Étienne !
Mais concrètement, qu’est-ce qui t’a poussé à écrire ta première nouvelle ?

PG : Cela s’est fait naturellement. Et il fallait bien se lancer ! Les nouvelles ont toujours fait partie de mes lectures préférées et ça me paraissait évident d’en écrire. D’un autre côté, c’est moins évident qu’il n’y paraît et je n’avais pas prévu d’être aussi mauvais ! Il m’a fallu x relectures pour que j’arrive enfin à sortir une nouvelle qui ne me paraisse pas trop moche. Et encore maintenant, j’ai de gros doutes !

EV : Si je peux me permettre, mon cher Philippe, je te trouve très dur envers toi-même !
Quelles qualités trouves-tu aux nouvelles par rapport aux autres formes littéraires ?

PG : Je ne leur trouve pas de défaut ! :D

Le reste de la littérature peut être ennuyeux, trop long, mal structuré, fouillis, pas assez condensé, en manque d’action, empli de sentiments dilués dans les descriptions, etc. Franchement, les nouvelles, c’est le top ! Et top du top, les nouvelles permettent de découvrir des auteurs comme toi et ceux que tu sors de l’ombre, en abordant leurs différentes facettes tout en pliant la contrainte de temps.

EV : Serais-tu aussi un brin flatteur ?

PG : Ce n'est pas de la flatterie, ce n'est qu'une juste reconnaissance ;)

EV : Quels sont les genres littéraires que tu abordes dans tes écrits ? 

PG : Je lis principalement de la SF et du noir et j’ai l’impression que ça transparait dans ce que j’écris. Mon rêve serait de faire de la SF noire qui finit en supernova, mais je n’arrive pas encore à l’écrire. Par contre, je n’apprécie que moyennement les genres qui sont les demi-frères de mes catégories préférées. Par exemple, j’aime beaucoup moins le policier, le fantastique ou l’horreur.

EV : Comment te vient habituellement l’inspiration ?

PG : Je vais donner une réponse déjà entendue : c’est simple, elle ne vient pas ! Je la trouve à mes pieds. Je regarde ce que j’ai sous mes tatanes, je gratte un peu et ensuite j’étale sur les pages. Que demander de plus ? L’inspiration, c’est regarder autour de soi. Être curieux et apprendre à accrocher son regard sur l’invisible. Tout est inspiration : le dernier bouquin lu, les infos, la visite chez une tante, les gosses dans la rue, le lieu de travail, les voyages… Il suffit de se pencher et de penser en lâchant les rênes de l’imagination. Et cela est vrai quel que soit le genre littéraire.

EV : "Être curieux et apprendre à accrocher son regard sur l’invisible", voilà une phrase que j'aurais peut-être dû mettre en accroche de cet entretien ;)
Peux-tu nous en dire plus sur tes habitudes d’écriture ?

PG : Je n’écris que sur ordi. Il m’arrive de noter trois mots sur un calepin ou la paume de ma main mais ça s’arrête là. J’écris tellement mal que je suis incapable de me relire !

Pour écrire une nouvelle, j’ai besoin d’un temps de maturation. Il faut que mes personnages soient bien dessinés dans ma tête, que l’ambiance me soit familière, et qu’il n’y ait plus de zones d’ombre avant que je me mette à écrire. Pour l’intrigue, je laisse faire mon imagination et je vérifie la cohérence de l’histoire avec toutes les données à ma portée. Je finalise tout ça en faisant de longues marches. Puis je me mets à écrire et, en peu de temps, c’est plié pour le plus gros du travail.

Je suis incapable de me soumettre à des contraintes, alors pas de plages définies, pas de plan rigoureux, et si je garde internet, je vire le téléphone. Il m’arrive d’écrire un synopsis, mais uniquement si je sais que je n’écrirai pas dans l’immédiat, pour ne pas perdre le fil et noter des idées qui déferlent. Et j’ai toujours plusieurs nouvelles en cours d’écriture. Comme ça, je ne bloque jamais sur une page blanche. Mais je ne suis pas sûr que ma méthode soit un modèle à suivre…

EV : A chaque auteur la méthode qui convient à son propre tempérament !
As-tu une anecdote à raconter à nos lecteurs sur ta vie d’auteur ?

PG : Je viens juste de naître : je n’ai pas assez vécu pour ça ! Pour l’instant je passe mon temps à apprendre à écrire. En tant que lecteur, je ne m’étais jamais imaginé que l’écriture pouvait être autre que naturelle. Ça a été le plus grand choc lors de ma découverte de l’écriture. Je croyais que tous les écrivains sortaient les mots comme on parle, qu’ils avaient juste un peu plus d’aisance que les autres… Alors qu’en fait, il y a un réel travail derrière.

EV : A ce propos, quels conseils donnerais-tu à celui qui voudrait écrire des nouvelles ?

PG : Le meilleur conseil est bien évidemment de lire. De lire et d’écrire ;) De lire de bons auteurs, dans tous les genres littéraires. Ensuite, oublier tout ce qu’on a appris pour foncer ! Il faut tout d’abord se faire plaisir, ensuite viendra le talent si on ne l’a pas déjà. Et puis, une nouvelle, c’est si facile à écrire, pourquoi s’en priver ? C’est aussi un état d’esprit, il faut aimer ce qui est concis et s’abstenir de surcharger. Sans compter que le net regorge de sites où l’on peut s’inscrire pour obtenir des conseils et s’améliorer, alors ne pas hésiter à le faire. Et surtout, ne jamais oublier qu’une nouvelle, ce n’est pas un mini roman. C’est bien un style à part avec des lecteurs exigeants dans le genre.

EV : Et à un lecteur de nouvelle ?

PG : Je commencerais par dire qu’il ne connait pas sa chance ! Des nouvelles, il y en a à foison, et on a la chance de découvrir plein de jeunes auteurs prometteurs ! Il suffit de chercher dans les rayonnages, réels ou virtuels. Et comme elles sont courtes, les auteurs les bichonnent, alors la qualité est souvent au rendez-vous. Ne pas hésiter à en lire, à en acheter et faire savoir auprès des libraires que le genre vous intéresse. C’est comme cela qu’on pourra en trouver partout et avoir encore plus de choix. De plus, la SF et le noir se prêtent très bien au genre, alors je ne peux qu’en faire la promotion.

Si vous ne savez pas quoi lire, je viens de finir le recueil de Craig Davidson, « Un goût de rouille et d’os ». Je vous le recommande, c’est l’un des meilleurs recueils de nouvelles noires que j’ai lu. Pour la SF, j’ai toujours eu un faible pour Clifford D. Simak. Si son style d’écriture n’est pas des plus beaux, par contre ses histoires sont un enchantement, avec toujours une note positive cachée derrière l’étrange. L’idéal pour se remonter le moral. Et j’en profite pour signaler l’excellente nouvelle de Jean-Marc Sire, « Des vacances à la ferme », découverte dans le 6ème tournoi des nouvellistes du Nouveau Monde. C’est exactement le genre de nouvelle que j’apprécie : un fond de SF, des persos humains bien ancrés dans un sol rocailleux et beaucoup d’humour simple !

EV : S’il y avait un livre que tu as lu et apprécié et dont tu aurais aimé être l’auteur, ce serait lequel ?

PG : S’il y a un livre qui brille comme un phare, et je rêverais que mon roman (qui n’est pas encore écrit, je précise) suive ses traces, c’est "le Petit Prince" de Saint-Ex. Qui ne rêverait d’écrire un livre qui a eu autant d’impact sur plusieurs générations du monde entier ? Court et percutant, riche et beau, c’est l’art dans la littérature. On peut rêver, non ?

EV : Je ne peux qu'approuver !
Qu’aimerais-tu ajouter ?

PG : J’ai envie de profiter de ta tribune pour parler un peu de ceux qui se tiennent dans l’ombre des auteurs, et plus particulièrement des bêta-lecteurs. Il me semble qu’assez peu d’auteurs parlent de ces personnes qui prennent pourtant une part active dans la construction d’un roman alors que j’ai de plus en plus l’impression que nombre d’auteurs ont recours à leurs services. Ce sont des personnes de l’ombre et de confiance, parfois des proches, parfois des inconnus, mais toujours des personnes de qualité. Car pour réussir à donner un avis constructif sur l’écriture en restant à sa place de lecteur, cela montre une grande qualité de cœur, d’écoute et d’intelligence. Chapeau, les bêta-lecteurs et bêta-lectrices !

EV : Là encore, je plussoie :)
As-tu déjà été publié ?

PG : Non. J’suis trop jeune ;)

EV : Peut-on trouver certains de tes textes sur le web ?

PG : En attendant d’être satisfait de mon écriture, je publie mes textes en lecture libre sur le site d’Atramenta et essaie de participer à différents AT pour me forcer à écrire avec plus d’attention. J’encourage ceux qui me lisent à laisser leurs impressions, bonnes ou moins bonnes ! C’est toujours instructif d’avoir des retours.

• « Lone », nouvelle noire.
• « Le retour des dinosaures » nouvelle SF, mon tout premier texte ;) 
• « Brumes d’août », peut-être un début de roman.

EV : Où peut-on te retrouver ?

PG : Je suis sur FB et sur Atramenta, sous le nom de Philippe GRABT. Ces deux comptes permettent les échanges et disposent d’une messagerie privée.

Merci Erik et content de d’avoir eu la possibilité de parler de notre passion commune !

EV : C'est un plaisir partagé. A très bientôt pour nous faire part de ta première publication ;)

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Comments

[The_wakwak_Tree]

Pour remercier Philippe Grabt de son aimable commentaire sur « Des vacances à la ferme ».

Clifford D. Simak est mon auteur de référence en SF, et effectivement, le texte envoyé pour le 6ème tournoi des nouvellistes était bien écrit dans l’esprit de cet auteur.