Le nouvelliste de la semaine : Robert Yessouroun

 

L'univers des nouvellistes francophones ne connaît pas les frontières. 
En attendant d'avoir l'occasion d'interviewer des nouvellistes d'autres continents, 
je suis heureux de recevoir aujourd'hui un nouvelliste belgo-suisse !

Je souhaite donc la bienvenue à Robert Yessouroun

EV : Bonjour Robert . Tout d’abord, qui es-tu ?

Né dans la cité de l’Atomium, j’habite la ville du CERN. Les sciences ont toujours fasciné mon esprit curieux. La biologie, la chimie et la physique ne cessent de révéler les beautés de la Nature (les horreurs aussi, je sais). Les bricoles artificielles, que la technique ne manque pas d’inventer, sont en général une source d’espérance (et d’inquiétude également, je ne l’oublie pas : mon problème, c’est que je suis un optimiste invétéré…).

Naguère professeur de lettres et de mathématiques, formateur d’enseignants, aujourd’hui, je me consacre entièrement à l’écriture qui m’attire depuis mon enfance. Il est vrai que mon père, voltairien, écrivait (des pamphlets contre l’Église)…

Moins marqué par Mai 68 et son imagination au pouvoir que par les (vrais) premiers pas sur la Lune, je reste un admirateur inconditionnel de Jacques Tati pour son regard humoristique sur l'Homme dépassé par un monde qui se modernise.

La psychologie (un peu aussi la philo) a, bien des années, monopolisé mes lectures. J’ai donné longtemps des cours à l’université sur « la psychologie de  la composition écrite ». Par ailleurs, je suis fasciné par la « conscience-fiction ». J’aime décrire des états de conscience improbables, comme, par exemple, un personnage qui subirait soudain l’accélération de ses pensées, ou un autre qui ne pourrait plus ressentir aucune émotion négative (la peur, la colère, etc.).

EV : Rien que dans cette présentation, on perçoit d'importants potentiels d'inspiration :)
Quand as-tu commencé à écrire des nouvelles ?

Seulement depuis deux ans. Il y a longtemps, j’ai écrit des contes fantastiques, mais trop bizarres, trop surréalistes, trop hermétiques, je n’ai jamais songé à les publier.

EV :  Un jour, peut-être ;)
Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire ta première nouvelle ?

Par hasard. La découverte de nombreux appels à textes SF sur le Web. La tentation d’essayer une écriture plus serrée. Et donc de changer de style. La perspective de soulager ma mémoire (dans un roman, il y a beaucoup à retenir) et celle d’improviser davantage (en se passant de planification).

EV : Il faut une nouvelle fois souligner l'importance des appels à textes des petits éditeurs pour la promotion du genre de la nouvelle et la découverte de nouvelles et brillantes plumes :)
Quelles qualités trouve-tu aux nouvelles par rapport aux autres formes littéraires ?

On n’y tourne pas autour du pot. On y fonce vers la « chute ». Le monde remuant y défile, intense, au plus grand plaisir du lecteur (trop) pressé. Les questions qui s’y posent doivent être sources de turbulences.

EV : Quels sont les genres littéraires que tu abordes dans tes écrits ?

« Soft SF » avec le sourire. J’aime dépayser, étonner, faire rêver (avec un zeste de poésie). J’évite les aspects techniques, même si ma première formation est scientifique (je suis un géologue non pratiquant).

EV : Comment te vient habituellement l’inspiration ?

Soit au lit, soit en marchant. La rêverie et l’observation dans la ville ou la campagne allument souvent la mèche. Évidemment, mes lectures ou mes visionnements de films m’ouvrent aussi l’imagination.

EV : Peux-tu nous en dire plus sur tes habitudes d’écriture ?

D’abord, dans un silence d’or, je note pif paf en vrac sur un cahier. Ensuite, j’ordonne sur l’ordinateur, parfois en musique (Pink Floyd,  Prokofiev, musiques de film, etc.). Commence alors une alternance de purges et d’implantations, sans compter les déplacements. Je rectifie plus que je n’écris. On n’est jamais si bien corrigé que par soi-même.

Matinal, je veux surprendre, sinon rien. Je pars d’une situation spectaculaire. Par exemple, des robots activistes occupent le siège de l’ONU pour y décider s’ils quittent la Terre ou non.

Dans un second temps, l’intrigue impose sournoisement son cap. Dans le cadre imaginaire, toute situation initiale tisse un labyrinthe de contraintes, dans lequel on peut se perdre sans le savoir.

EV : Là encore, on ressent la richesse et le potentiel de ta manière d'opérer !
As-tu une anecdote à raconter à nos lecteurs sur ta vie d’auteur ?

Dans un bistrot d’étudiants s’étaient donné rendez-vous huit « poètes » (dont j’étais). Chacun avait apporté le meilleur de lui-même, sous la forme de trois poèmes. Autour de la table ovale, nous étions tous assis, chacun devant lire les vers ou la prose des sept autres. Je n’ai pas tardé à constater que chacun des « écrivains » guettait discrètement du regard les feuillets de son crû en lorgnant sur les réactions du lecteur. Inutile d’ajouter que chaque poète peinait à se concentrer sur les textes des confrères entre ses mains…

EV : Que conseillerais-tu à celui qui voudrait écrire des nouvelles ?

Se méfier des premières phrases qui viennent à l’esprit. Elles sont souvent d’une banalité affligeante. Se relire 10 fois plutôt qu’une. Pas seulement à cause du risque de coquilles. Plutôt à cause du glaucome du créateur. Le glaucome affecte la vision par un voile plus ou moins dense qui masque une partie du champ visuel à l’insu du sujet. L’expérience montre que le créateur qui invente un décor ou un personnage ne se rend pas compte qu’il ne voit pas tout de sa création. D’où des inconsistances fâcheuses.

EV : C'est la première fois que j'entends cette image du glaucome, qui me parait tout à fait appropriée ;)
Et quels conseils pour un lecteur de nouvelle ?

Ne pas la dévorer, mais la déguster. Sinon, oubli garanti.

Évacuer, si possible, les a priori avant de se pencher sur un texte. Ainsi, moi-même, je n’aime pas trop la « Hard SF » le «Space Opera », les vampires, les loups-garous, les grandes fresques de batailles diluviennes, mais j’essaie parfois de me laisser emporter, en dépit de mes réticences.  

EV : S’il y avait un livre que tu as lu et apprécié et dont tu aurais aimé être l’auteur, ce serait lequel ?

• « Des Fleurs pour Algernon », de Daniel Keyes : une ode à l’intelligence humaine.
• « La Télévision », de Jean-Philippe Toussaint : fous-rires garantis.
• « L’embrasure », de Douna Loup : quelle écriture poétique !

Ces deux derniers titres ne sont pas du genre SF, je l’avoue.

EV : Il n'y a pas que la SF dans la littérature. Il y a même des nouvellistes qui n'écrivent jamais de SF que j'aimerais bien interviewer ;) Qu’aimerais-tu ajouter ? 

Une lecture récente, « Le Bréviaire des robots », du polonais Stanislas Lem : le burlesque frappadingue en SF. Ces récits me rappellent « La Nuit remue », du poète belge Henri Michaux.

Un coup de gueule ?
« Autobiographie d’une Machine Ktistèque », de R. A. Lafferty. On n’y comprend rien. Même Houellebecq, grand amateur de SF, s’y est perdu.

    

EV : Peux-tu nous parler des textes que tu as publié ? 

• « La Tondeuse du général de Gaulle » : roman raté et introuvable,
• « Les mouettes volent-elles dans le brouillard ? » : plutôt dans le genre fantastique ; « épuisé »,
• « La Joueuse de chimères » : une jeune révoltée extraterrestre sème la pagaille sur la bonne vieille Terre. On peut l’acheter et trouver une interview à son sujet en suivant le lien.
• « Le Clou du spectacle » : Comment rajeunir à son insu. Pour se le procurer et écouter une interview sur ce roman, suivre le lien !
• « Rêver sur son volcan… » : des végétaux aliens font voyager dans le temps au coucher du soleil.
• « Les Avocats mécaniques » : nouvelle sur la bienveillance des robots personnels,  parue dans l’anthologie Créatures). 

 Deux récits sont en instance de publication (pour fin 2015) :

• « Le Paradis du diable ? » : les surprises du rajeunissement démocratique (Parution imminente aux éditions Rroyzz),
• « Un Village proche des étoiles » : un patelin du Jura cache des secrets qui intéressent même le Mossad.

Enfin, un recueil de nouvelles à paraître :

• « Robots : gabegie à gogo » : les robots dernier cri débordent d’attention…

A noter que tous ces textes peuvent être obtenus cher Amazon.fr (presque tous sur Fnac.com).

  

EV : Où peut-on te retrouver ? 

Par mail : r.yess@bluemail.ch
Sur mon Compte FB 

EV : Merci Robert de t'être prêté à cet exercice et d'avoir ainsi accepté de te dévoiler un peu plus à tes actuels et futurs lecteurs ! A très bientôt ! 

---

 Aller à la Galerie des nouvellistes (Sommaire)

Pour retrouver sur ce blog des textes inédits de "Nouvellistes de la semaine"

Pour découvrir les nouvelles publications des "Nouvellistes de la semaine"

Pour rencontrer les "Nouvellistes de la semaine" (séances de dédicaces,...)

---

Comments

[Yessouroun]

Venez jeter un œil sur mon nouveau blog: http://explorerfuturs.blogspot.ch/

[Danielle]

FoiS ! ... après relecture !!!!

[Danielle]

Quelle personnalité ! Je retiens car je partage: "Se méfier des premières phrases_ Se relire plusieurs foi!":