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Nouvelles d'Erik Vaucey... et autres gourmandises littéraires !
7 mars 2015

L'origine des Berceaux - Chapitre 1 : Ecosystèmes

 

jungle

 

Ceux qui ont suivi l'aventure du 5ème Tournoi des nouvellistes qui a vu le succès de ma nouvelle "De l'encouragement au progrès" le savent déjà.  
Une autre de mes nouvelles, "L'origine des berceaux" sera également publiée, "hors-concours", dans le hors-série de la Revue du nouveau monde qui regroupera l'ensemble des textes ayant participé au tournoi. 

Bonne lecture !... Et n'hésitez pas à laisser un commentaire en bas de cette page !

Cette nouvelle, bien que pouvant se lire de manière autonome, constitue la troisième partie de la saga "L'odyssée des berceaux". "Ecosystèmes" en est le septième chapitre.

* * * * *


L’origine des berceaux

Chapitre 1 – Ecosystème



A travers la visière de sa combinaison environnementale, Helen observe la démarche féline de son guide amérindien. Les palikurs vivent en harmonie avec la forêt tropicale : ils la vénèrent, la respectent et en retirent tout ce dont ils ont besoin. Fortino se déplace sans bruit. Malgré l’humidité et la chaleur, il ne transpire pas. Son regard est sans cesse à l’affût des mille dangers de la jungle. De temps à autre, sa machette entre brièvement en action pour faciliter le passage de l’expédition. Il répète ainsi les gestes ancestraux qu’aucune technologie n’a réussi à supplanter.

Partie à l’aube de son laboratoire à Kourou, Helen a survolé la jungle en hélicoptère sur près de 200 kilomètres jusqu’au village de Saül, accessible uniquement par les airs. Elle a pu vérifier de ses propres yeux les analyses des spécialistes de l’imagerie satellitaire : sur un large cercle d’environ deux kilomètres de diamètre, le vert luxuriant de la canopée à fait place à une teinte grisâtre. Ce lieu où toute vie végétale et animale semble avoir disparue est le but de leur périple. Il leur a fallu deux heures en véhicules tous terrains, puis autant en pirogues motorisées sur le fleuve Mana avant de poursuivre à pied. Selon Fortino, ils pourront rester une bonne heure sur place.

Profitant d’une pause, elle s’adresse à son guide.
- Fortino, j’ai l’impression que la forêt se tait peu à peu.
- Oui, madame Helen. Elle a peur.
- Comment ça ?
- Il y a de moins en moins d’animaux. Comme lorsqu’ils fuient devant un incendie. Mais là, il n’y a ni fumée ni feu.

Quelques centaines de mètres plus loin, l’éclaireur s’immobilise. De sa machette, il montre une colonne de fourmis.
- Regardez !
- Les fourmis et les termites constituent plus de 30% de la biomasse animale de la forêt équatoriale. Qu’il y a-t-il de surprenant ?
- Des fourmis, d’accord. Mais celles-ci, on ne les voit que depuis quelques mois. Elles sont à chaque fois plus nombreuses.
- C’est une espèce très particulière, confirme Henri, l’entomologue de l’équipe. Il s’agit de pheidoles megacephala, facilement reconnaissable à leur tête surdimensionnée. Elles ont été étudiées dès le début du XXIème siècle : son introduction sur l’île d’Hawaï avait entraîné la disparition de nombreuses espèces, y compris le célèbre lézard emoia.

Fortino leur fait signe de se taire. A une vingtaine de mètres, un tamanoir s’approche des fourmis. Sa langue de soixante centimètres de long vient balayer les fourmis et les avalent.
- C’est leur principal prédateur : il peut en manger des dizaines de milliers chaque jour. Mais celui-ci semble déjà avoir perdu l’appétit !
L’animal s’immobilise, avant de se coucher sur le flan, inerte. Les insectes l’escaladent sans attendre, si nombreux qu’on ne voit bientôt plus que sa silhouette sous un amoncellement de fourmis.
- On dirait que le chasseur est devenue la proie, commente sobrement Helen. Ernesto, as-tu tout filmé ? Alix, recueille quelques specimens de ces fourmis dans ton vivarium.

Plus l’expédition progresse, plus le spectacle de désolation s’accentue. Les fourmis sont les seules à subsister. Les arbres sont visiblement malades. Certains sont à moitié tombés, appuyés sur leur voisin, comme tronçonnés à la base. Leurs souches sont truffées d’oeufs de fourmis. Alix en ramasse quelques-unes et la caméra recommence à filmer.

* * * * *

Le directeur du centre de recherche préside en personne la réunion de crise. Il est accompagné par un inconnu qu’il présente comme le responsable de projets confidentiels de l’ONU.
- Helen, vous avez toute notre attention.
- Les nouvelles ne sont pas bonnes. Henri, quelles sont vos conclusions ?
- Il s’agit bien d’une invasion de pheidoles megacephala. Mais leur comportement a évolué. Non seulement elles mangent tous les végétaux qu’elles croisent, mais elles installent leurs fourmilières à l’intérieur de troncs. Elles interceptent la totalité de la sève pour se nourrir, provoquant le dépérissement rapide du végétal. Une fois le suc asséché, elles partent à l’assaut d’un autre, ou plus exactement d’autres arbres puisque leur nombre s’accroit de manière exponentielle.
- D’où le paysage de désolation qu’elles laissent derrière elles.
- Ce n’est pas tout, reprend Henri. Comme nous avons pu le constater, elles s’attaquent aussi aux animaux. L’autopsie du lamanoir a montré qu’il avait été empoisonné par des centaines de piqures de fourmis. De plus, en quelques minutes, celles-ci avaient déjà dévoré près de 40% de sa chair.
- Ainsi, conclut Helen, nous sommes en présence d’une espèce invasive qui détruit la quasi totalité de la biomasse végétale et animale sur son passage. L’évolution de son comportement s’explique par plusieurs mutations relevées sur son ADN.

Le mystérieux visiteur examine de près les rapports d’analyse génétique, avant de prendre la parole.
- Je vous remercie pour votre excellent travail. Vos conclusions recoupent parfaitement celles des centres de recherche à Bornéo, en Papouasie et en Guinée où ces fourmis provoquent les mêmes ravages. Helen, pensez-vous que ces mutations puissent être naturelles ?
- Ce qui est surprenant, c’est que plusieurs séquences de l’ADN ont évolué simultanément et rapidement, alors que ce processus est habituellement extrêmement lent. Il faudrait aussi comprendre comment ces espèces mutantes ont pu se déplacer sur trois continents différents.
- Je ne suis pas certain que vous posiez tout à fait la bonne question. Regardez cette étude de la NASA.

Sur l’écran géant, quatre photos satellites de forêts tropicales apparaissent. Elles présentent toutes un cercle grisatre au milieu de la verdure.
- Voici donc des images des quatres sites touchés à travers le monde. Grâce à l’horodatage, vous constaterez qu’elles ont été prises le même jour. Si je rajoute une échelle de distance, vous voyez que les cercles gris ont tous un diamètre compris entre 1800 et 2000 mètres.
Autour de la table, les visages sont tendus.
- Nous allons maintenant remonter le temps, en projetant en accéléré les photos des mêmes sites de jour en jour sur six mois.
Sur les images animées, les cercles gris décroissent simultanément pour disparaître exactement en même temps. L’écran se fige sur les quatre images où des points gris minuscules sont mis en évidence par une flèche rouge.
- Oui, vous avez bien vu, les cercles gris et donc ces foutues fourmis, sont apparues exactement en même temps sur les quatre sites.
- Ce ne peut pas être naturel, s’exclame Helen.
- Alors que reste-t-il comme hypothèses ?
- Des éco-terroristes ?
- Sacrément bien organisés ! Il faut posséder des laboratoires de pointe pour obtenir de telles manipulations génétiques et une logistique incroyable pour opérer simultanément dans des sites si difficilement accessibles.
- C’est vrai, mais qui d’autres alors ? des aliens ?

* * * * *


Devant le distributeur de café, les discussions vont bon train. Aussi incroyables soient-elles, les hypothèses émises en fin de réunion remettent en perspective toute l’histoire récente.

L’apogée du déréglement climatique liée au réchauffement de la planète a été atteinte lorsque des algues filamenteuses ont envahi plus de 10% de la surface des océans. La pénurie d’oxygène et de lumière dans l’eau a fait disparaître l’essentiel de la vie sous-marine. Par chance, une bactérie développée in vitro a permis de vaincre cette menace.
C’est à la même période que la technologie de fusion nucléaire a été maîtrisée. La découverte d’un nano-filtre permettant de capter les dangereux neutrons rapides a procuré à l’humanité une énergie abondante et économique à partir du deuterium, sans déchets radioactifs. L’abandon généralisé des énergies fossiles a permis la reconstitution progessive de la couche d’ozone et la pacification du climat.

Alors que la planète se croyait sauvée, les alertes se sont pourtant multipliées. A chaque fois qu’une parade était trouvée contre une menace, d’autres survenaient, toujours plus inquiétantes. La fourmi pheidole megacephala n’étant que la dernière en date.

L’idée d’une intelligence maléfique derrière tout cela est séduisante. Mais qui peut avoir un tel pouvoir ?


* * * * *

A suivre

Revenir au chapitre précédent : "L'essaim"

Lire le chapitre suivant : "Le projet Tansley"

Aller au sommaire de la saga "L'odyssée des berceaux"

 

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  • Les nouvelles d'Erik Vaucey explorent divers champs de l'imaginaire, en particulier ceux de la science-fiction. Plus largement, il dédie ce blog au monde des nouvelles et de leurs auteurs, genre littéraire qui mérite d'être mieux connu et reconnu :)
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